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les histoires de géraldine
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5 novembre 2004

une robe longue...suite

                                                                     début de cette histoire le 30/10/2004

-6-

Il est presque vingt et une heures, de nombreuses personnes convergent vers l’entrée de la grande salle de séminaire. Une musique de blues en fond sonore et une ambiance très guindée…voilà le décor de la scène décisive. Géraldine pense si fort à son film à elle que toutes ses angoisses à propos de cette remise de prix sont envolées. Elle jette un coup d’œil sur l’assemblée, se faisant cette réflexion : Que n’ai-je un bon panoramique de cette pièce, j’y verrai peut-être plus aisément où se trouve cette chère Muriel !

Il a été convenu que les auteurs de nouvelles et le staff du concours littéraire se regrouperaient, avant l’entrée dans la grande salle, pour des commodités d’organisation. Ralliez-vous à mon panache…bleu, avait dit Muriel qui avait déjà annoncé la couleur de sa tenue vestimentaire.

Géraldine est de taille moyenne et, malgré les quelques centimètres grignotés grâce aux talons des escarpins, elle est loin d’avoir une représentation claire de la situation…Son champ de vision est tantôt bouché par un  dos large , tantôt une haute coiffure, ou encore des bras qui s’élèvent faisant des signes désespérés…et non, pas facile de se retrouver !

Ah ! Soudain un petit morceau de tissu bleu apparaît entre une manche sombre de costume masculin et une partie d’un fourreau satiné, au ton assez voyant, pour ne pas dire criard parce qu’on est bien élevé ! cCest elle, c’est Muriel se dit immédiatement Géraldine. Elle la soupçonne, d’ailleurs, de s’être collée délibérément à ce personnage haut en couleur, comme en taille,  consciente que s’il fallait une balise de reconnaissance dans cette affluence, elle était toute trouvée ! Géraldine commence à bien cerner le personnage, son accompagnatrice, et s’y retrouve un peu elle-même…Elle ne peut s’empêcher de sourire à cette feinte de jeu, contre l’ennemi que représente une foule au milieu de laquelle on cherche une personne précise !!!

Le petit groupe s’est constitué peu à peu, et est au complet depuis quelques minutes seulement lorsqu’une voix suave invite les gens à entrer dans la salle de réception…Géraldine ne s’attendait pas à voir une démonstration de politesses et de courtoisie, mais un minimum de bienséance aurait fait l’affaire…Elle n’imaginait pas que l’on pouvait écraser les orteils, pousser les fesses, donner de l’épaule à ce point pour une affaire de si peu d’importance en somme. Mais Géraldine n’est pas une habituée !!! Elle s’est donc retrouvée, après cette vague déferlante, en compagnie du second lauréat du concours et une des pilotes du festival dans un coin totalement opposé à celui choisi par le reste du groupe, et, trop tard, pas la peine de traverser la salle…les annonces commencent sur l’estrade, les présentations et discours d’usage s’enchaînent. Toujours en demi-teinte, Géraldine poursuit son film intérieur, et ne prête qu’une oreille distraite aux propos tenus. Elle est émue par la présence d’un homme handicapé, qui, assis sur un fauteuil roulant, lui tourne le dos ! Elle se demande comment il av pu ou dû faire pour arriver ici sans encombres…L’hôtel est magnifique mais elle a constaté que rien n’indique un accueil particulier pour les personnes à mobilité réduite ! Comme quoi, la perfection n’est pas de ce monde…

Bon, Géraldine, si tu écoutais un peu ce qui se passe !

Elle marche sur un nuage lorsque son nom est prononcé et qu’on l’invite à venir recevoir son prix ; s’attendait-elle à repartir avec une de ces sculptures habituelles ressemblant, en miniature, à celles que l’on distribue aux césars ou autres cérémonies de ce genre, ou avec un tableau quelconque ou…mais non, elle ne s’attend à rien de précis…c’est un détail qui lui a totalement échappé.

Elle est ravie de voir qu’il s’agit d’un objet tout à fait simple et élégant, rappelant à la fois l’écriture et le cinéma, une lithographie montrant une pellicule se transformant en robe du soir, une longue robe noire…Elle ne comprend pas immédiatement que l’artiste a travaillé à sa seule intention, et inscrit en lettres d’or au bas de l’œuvre « une robe longue, noire ! ». Lorsqu’elle baisse les yeux sur la gravure et déchiffre le message, elle sent l’émotion la submerger et malgré toutes les obligations de rester stoïque qu’elle s’était imposées depuis son arrivée, cette fois elle abdique : quelques larmes troublent sa vue et c’est la gorge nouée qu ‘elle prononce les remerciements d’usage…doit-elle oser ? oui ! elle ajoute enfin : je dédie ceci à un monsieur cinéma sans qui je n’aurais pas écrit cette histoire, un personnage digne des scénarios de Monsieur Manuel Poirier et de ses rendez-vous manqués…L’assemblée s’amuse de cette dernière phrase et applaudit, c’est toujours comme ça !!

Et puis, commence la soirée…celle de Géraldine, celle du film de Géraldine. Elle connaît la silhouette, le visage, le sourire du « monsieur cinéma » puisque les photos s’étaient affichées en plein écran sur l’ordinateur et que ,depuis, elle en a fait quelques tirages papier. Mais elle n’a pas croisé cet homme dans les couloirs, le bar, les salles de restaurant, sur les terrasses, les parkings…et pourtant ce n’était plus des yeux qu’elle avait depuis quelques heures, mais des téléobjectifs !

Lorsqu’elle était sortie de chez l’esthéticienne, au rez-de-chaussée, cet après-midi, et avait croisé Muriel aussitôt, elle ne s’était pas étonnée de la remarque de celle-ci, sur un ton narquois : Ouah ! Vous n’êtes pas jolie, vous êtes pire !

Toutes deux avaient tellement ri, au cours de leur promenade, lorsque Géraldine lui avait raconté que cette phrase unique avait suivi son envoi de photo, et qu’elle s’était demandé, alors, comment elle devait le prendre ! Sa première réaction avait été de se dire : Quel mufle ! Et puis elle se calma en lisant le nom de Victor Hugo, et se rappelant que cette citation était souvent employée, jusque dans les salons de beauté !

A peine avait-elle remarqué, à ce moment précis , l’homme assis sur un fauteuil roulant qui souriait en entendant les deux femmes rire…

Ce n’est que lorsque les noms de Fabrice R. et Jérôme P. sont prononcés que les regards se portent vers l’angle perdu de la salle :Jérôme s’approche, poussant un fauteuil roulant et alors Géraldine reconnaît le visage de Fabrice…En un éclair, Géraldine comprend !

Elle avait senti cette souffrance avant même de la connaître, elle avait vu le film avant sa projection, elle connaissait le scénario, comme si elle l’avait écrit, elle avait vu les terribles images… Elle ne s’était pas trompée. Fabrice ne lui avait pas dit la vérité , en rentrant de Tchétchénie… et maintenant, elle sait pourquoi.

Dès que les deux hommes rejoignent leur place, Géraldine traverse la salle sans se soucier des convenances, elle est ailleurs !!! Elle saisit les deux mains de Fabrice et, s’approchant de son visage, les porte à ses lèvres.

Fabrice sourit et la complimente pour le choix de sa robe.

Géraldine pleure en silence, l’émotion est trop intense pour ajouter un mot…leurs doigts sont serrés si forts que nul ne pourrait les dénouer.

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