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les histoires de géraldine
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13 février 2006

Mai 1997..hiver 1998

vous pourrez retrouver le début de ce long récit sur le message posté le 29/05/2005  : "écrire pour témoigner"

MAI 1997

On me propose un nouveau poste…une chance à saisir !
Et Nad, dont j'ai besoin maintenant pour décider, semble m'échapper, semble inaccessible ! 
Je lui en veux, un peu. Elle m'a embarqué pour un voyage trop difficile pour moi, me dis-je. Trop difficile.
Je sais, elle m'a montré la route et il ne tient qu'à moi d'engager la démarche.

Alors, je pense bien faire en acceptant cette mutation, qui offre à mes yeux de nombreux avantages et la perspective d'une renaissance.
Les propositions, professionnellement, m'ont été exposées ainsi : vous allez prendre sérieusement du galon, mais en vous éloignant un peu !

Presque mille kilomètres tout de même, loin de ma famille et de celle de Nad, tout ce que j'ai au monde !

Je n'ai pas voulu analyser le regard soucieux de Nad, lorsque je lui ai fait part de ma décision de partir, ni lire le chagrin caché au fond de ses yeux, à l'annonce de cette séparation.
J'avais trop peur d'y renoncer moi-même, et n'étais pas prêt à m' en expliquer.  Je suis resté de marbre...

HIVER 1998

Me voici installé dans une région bien différente de celle qui a bercé ma jeunesse et que je n'ai jamais quittée très longtemps, à vrai dire.
Il m'a fallu découvrir la chaleur étouffante de l'été et maintenant la froidure de l'hiver.
Je n'avais connu jusqu'à présent que la douceur des bords de mer, sur les côtes bretonnes, et un climat humide et tempéré. Chose singulière pour un noctambule de mon espèce, l'océan, étrangement, me manque. Allez savoir pourquoi, à moi qui n'ai pas pris, pendant des années, le temps de flaner sur les sentiers délicieusement parfumés d'air marin et d'ajoncs, ni de traverser les landes pour y savourer ce qui a su échapper à l'appétit des investisseurs immobiliers.
Lorsque je prenais un bain de mer, ou bien c'était un bain curatif de dégrisement, ou bien une rapide opération d'hygiène physique, histoire de faire un peu d'exercice, et cela depuis plusieurs années maintenant. Voilà longtemps que je ne savais plus savourer la beauté, la richesse du décor de ma vie.

A peine avais-je pris mes fonctions et possession de mon logement ici, que je regrettais déjà mon départ. Aussitôt, j'ai ressenti le mal du pays.

Nad m'écrit souvent, pour me faire le récit des instants, des événements, des rencontres qui font le fil de ses jours, là-bas, si loin.
C'est avec grand bonheur que je fixe ces images dans ma tête, comme un remède à mon ennui, à son absence.
Yann, me dit-elle, va de périodes d'emplois précaires en périodes de chômage. Nad me décrit l'angoisse qui, peu à peu, s'installe dans les regards et les propos de ses plus jeunes garçons, quand parfois il faut se contenter de quelques degrés dans la maison en ce milieu d'hiver, et compter les pièces de monnaie pour acheter le pain à la fin des mois.
Elle aimerait pouvoir les rassurer sur l'avenir, mais elle est incapable de le prévoir, pas plus que leurs futures conditions de vie.
Nad m'écrit ce et ceux pour quoi et pour qui elle lutte. Ses lettres sont en partie des plaidoyers, des discours militants, plus que de douces confidences. Elle n’a pas abandonné la lutte.
« Tu sais, toi qui me connais si bien, que ce n'est pas le manque d'argent qui m'est pénible à supporter ; Non ! Mais ce sont les jugements, les droits de regard sur moi et sur ma vie privée que s'autorisent des minables esprits qui n'ont que peu de vocabulaire en dehors du lexique bancaire  C'est cette façon de me considérer comme une m… parce que soudainement mon compte en banque affiche plus souvent ses résultats dans la colonne débit que dans la colonne crédit. Alors là, plus de répit…Coups de téléphone, menaces, interdictions, contrôles, rejets. C'est surtout à l'évocation du cas de certaines personnes que je fréquente, ou d'autres que je ne connais pas, qui subissent cette même pression et en meurent parfois, que je hurle au scandale. Je suis cependant reconnaissante à la vie de me faire vivre cela. Je  crois que je mourrai moins idiote que ceux qui me pourrissent la vie aujourd'hui. A  moins qu'ils n'aient la surprise de connaître cela un jour, la roue tourne sans cesse, les banques ne sont pas à l’abri des tempêtes… »
Décidément, je ne comprends pas comment elle peut trouver des ressources pour réagir ainsi, et penser aux autres, alors que dans le même temps elle m'apprend la mise en vente d'Ar Bod. J'en suis, moi, effondré !!
Je ne saisis pas comment elle peut s'affranchir de tous les ressentiments qui auraient dû , déjà dans le passé, et devraient encore accompagner son infortune ou ce que je considère comme telle.
Je m'étonne qu'elle puisse, malgré tout m’écrire encore des mots pour me donner le courage qui me manque. Jamais elle n'oublie de me faire cadeau d'une merveilleuse page "rien que pour moi" où je retrouve sa chaleur, sa tendresse, tout son cœur, dans des simples phrases.
Parfois, je me sens presque honteux d'user de cette bienveillance, et de recevoir ses paroles stimulantes sans broncher, sans donner le change, sans jamais plus y répondre ; En effet, si Nad veut de mes nouvelles, elle doit aller à la pêche…

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