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les histoires de géraldine
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2 février 2006

Nad ...ma princesse

vous pourrez retrouver le début de ce long récit sur le message posté le 29/05/2005  : "écrire pour témoigner"

Nad est restée plus d’une heure et demie assise, figée, pétrifiée, dans la salle de cérémonie du crématorium où son frère Gilles a achevé son existence terrestre. Elle semblait perdue dans les abysses de son âme, écoutant, écoutant toutes ces musiques qu’on avait méticuleusement choisies en mémoire de Gilles et de son histoire…

Nad sentait qu’elle atteignait là les limites de son silence, la limite de l’acceptation.
De très loin, quelque part, une colère bouillonnait, tel un volcan prêt à cracher ses laves brûlantes, et peu à peu, la rancœur montait à la surface et son flot la submergeait.
Non, le destin ne la surprendrait plus, de toutes ses forces maintenant, c’est elle qui choisirait....
Elle sentait que tout pouvait arriver.
« D’accord, Dieu, rendez-vous avec Toi, un jour. Mais comprends-le, il faudra compter avec moi, et avec ma faiblesse, mon indignation, mon désarroi.
Je ferai de mon mieux en attendant, mais je parlerai, je dirai ce flot de mots qui m'étouffe... »

***

"Nad, mon amie,
Ar Bod est ton vaisseau…

…et, tu existes, toi et ton histoire aussi. Tu es mon amie, depuis notre jeunesse. Tu étais ma petite princesse. Nous avons tissé des liens au fil des années, des liens très forts, uniques. J’ai toujours été le témoin privilégié de ta vie, tu m’a toujours donné ta confiance.
Je t’ai vue, Nad, courber l’échine, et, plus d’une fois, vider ton sac et pleurer, pleurer à me faire mal.
Si je n’ai pas tout écrit, c’est par pudeur et par amour pour toi.
Mais chaque fois que tu étais bousculée, malmenée par la vie, je t’ai vue relever la tête et entendue dire : « Allez, viens, il faut laisser aller le cours des choses, cela passera...c’est ainsi la vie, c’est une longue route, elle ne peut pas être faite que d'un tapis de mousse, mais elle me bouffe parfois, elle me nargue, elle me défie…

Il y en a bien d'autres, des Nad, des Cendrillons qui te ressemblent, je le sais, mais c'est toi que j'ai trouvée sur ma route….Mon regard n'est peut-être pas parfaitement objectif . Les faits, eux, ne souffrent pas de remise en cause, ils sont là.
J'en suis le témoin, et j'aurais aimé pouvoir faire mieux ou plus, pour parfois être ton prince sauveur…

Je veux simplement pouvoir te dire qu’un être comme toi, Nad, c’est un vrai compagnon pour le grand voyage.
Chaque jour j'ai découvert un trait de ta personnalité, mais chaque jour j'y ai appris aussi quelque chose de moi…."
extrait d'une de mes lettres.

Pourquoi ai-je un jour écrit cela ?
Parce que Nad s'explique autant qu'elle sait écouter . Parce qu’elle a un charme, dirait le conteur.
Elle ne se connait pas d’ennemi, tout au plus des adversaires. Elle a un respect et une telle confiance en l’autre que ceux qui ont gagné son coeur sont assurés de faire un vrai et beau bout de chemin avec elle, si court soit-il, si difficile soit-il ! Il en reste quelque chose comme une empreinte.
Mais elle est discrète, Nad, très discrète, et surtout très prudente. Elle a aussi ses exigences. Elle n’aime pas les décorations, les éloges, les courbettes, les cérémonies. Elle est bien lorsqu’elle donne et elle le fait sans compter et surtout, elle n’attend pas de merci. Mais elle fait des choix, Nad, et plus elle avance, plus elle me dit : « Je fais du vide »…
Elle en a déjà fait tellement, que parfois elle m'a donné le vertige, m’a fait peur, j’ai craint le pire ...
C’est un fait, depuis quelques années, je la vois laisser derrière elle bien des souvenirs et bien des êtres aussi: « Tu vois, je préfère les ignorer : là où ils sont, ils sont bien, et moi je n’ai plus rien à faire avec eux. Ils ne me ressemblent plus du tout, et ils m'empoisonnent la vie. Cest comme une question de survie, tout simplement, pour moi »  m’assure t-elle.

Nad est très étonnante, elle a horreur du vide, je crois, et de perdre son temps.

Mais, ce n’est peut-être qu’ apparence, car elle sait prendre de plus en plus de temps pour son esprit,  du " temps-désert " me dit-elle. Du temps rien que pour elle, pour chercher l'essentiel.
Vous ne pouvez jamais savoir toutes  les pensées qui habitent son esprit. Elle fourmillle d’idées, et je lui demande souvent : «  Quand tu ne sais plus où est la vérité, alors que fais-tu ? tu l' inventes ? »

Et c'est vrai qu'elle invente la vie chaque jour. C'est ainsi que je l'ai vue élever ses enfants et que je la vois faire encore, créer la vie chaque jour avec eux.

Tout petits, elle les a respectés, tels qu’ils étaient, leur a toujours appris à savoir choisir, et elle ne veut pas le faire pour eux.
Elle m’a toujours dit qu’elle était là pour les aider à grandir, pour leur apprendre à lutter et pour les aimer, surtout les aimer, et pas pour les fabriquer, les programmer, les modeler.
Elle a toujours, même quand cela devait lui coûter, respecté leurs choix s’ils étaient contraires aux siens ; au pire, elle s'est effacée après avoir exprimé sa désapprobation.
Elle m'a souvent avoué combien elle trouvait difficile l'éducation des enfants, sachant qu'on se trompe toujours un peu, malgré toute la bonne volonté qu'on y mette. Métier à hauts risques, plaisantait-elle, parfois.
Mais les aimer...oui, c’est énorme comme elle les aime.

Lorsque je l’ai vue, sitôt après le cruel départ de son frère Gilles, elle m’a confié un petit paquet de feuillets libres, avec des phrases griffonnées au crayon, écrits comme des messages…

Elle m’a dit : « tiens, fais-en ce que tu veux ! Je me suis soulagée,  maintenant je vais partir pour un petit voyage, nous serons éloignés pendant une période, mais combien de temps, je ne sais…Prends bien soin de toi. »

Je lui fis promettre, bien entendu, de revenir me voir au plus vite, elle me semblait si étrange ce jour là !
J'ai lu ces réflexions, puis les ai soigneusement rangées avec mes trésors personnels.

J’ai su , quelques jours plus tard, qu' elle avait bouclé ses valises pour un voyage non sans retour, c’était sûr, ce n’est pas son style.

Mais pour une fois, elle ne m’avait pas dit où elle allait, ni ce qu’elle allait chercher.
J’avais grande hâte de la retrouver pour qu’elle me conte encore une fois la vie, ...ma princesse.

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