Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
les histoires de géraldine
Archives
5 juillet 2005

Ar Bod ...Mamie....

vous pourrez retrouver le début de ce long récit sur le message posté le 29/05/2005  : "écrire pour témoigner"

MAMIE N'Y EST GUERE VENUE..

Mamie, c’est ainsi que tous, ou presque, les petits enfants nomment leur grand-mère aujourd’hui. Mais, pour Nad, seul le mot existe. C’est ainsi. A ses yeux, il n’y a de « Mamie » que le nom.
Sa mère se prétend attachée à ses petits enfants, mais elle ne les supporte pas vraiment. Une seule chose lui importe avant tout, quand elle s’installe chez l’un ou l’autre de ses enfants, c’est qu’on s’occupe d’elle, qu’on la bichonne, que la vie tourne autour d’elle.
Nad a reçu bien souvent sa mère chez elle. Mais au fil des années, cela lui est devenu de plus en plus pénible.
Elle a toujours su, Nad, que si elle voulait un séjour agréable, calme, elle devait mettre tout son petit monde au second plan, et pour un temps redevenir la fille de sa mère, et non la mère de ses propres enfants ou l’épouse de quelqu’un.
La maison devait vivre à l’heure de Mamie.
On ne devait faire aucun faux-pas, sinon Mamie se renfrognait, devenait blessante par ses remarques, s’en prenait à l’un ou l’autre des enfants, ou boudait dans un coin.
Mamie aurait bien voulu que Nad élève ses enfants comme elle l’avait fait elle-même, soumis à ses volontés, à ses humeurs, à ses états d’âme, à son état, tout simplement. Mais de cela, Nad ne voulait pas.
Mamie ne câlinait guère ses petits fils. Cela la fatiguait, elle avait souvent trop mal ici ou là ...

Pardon....si ! Il faut être juste, elle les avait pouponnés lorsqu’ils étaient très petits, des nourrissons, dont on fait ce qu’on veut et qui dorment beaucoup. Elle les avait bercés parfois avec des regards attendris qui venaient d’on ne sait quelle profondeur, quand les poupons étaient encore inoffensifs, et si fragiles…

Nad s’est souvent demandé, alors, si Mamie n’avait pas quelque regret ou remord quand un tendre chérubin se trouvait sur ses genoux.
Mamie essayait parfois de se justifier en disant que les choses avaient bien évolué et qu'en son temps élever des enfants étaient autrement plus pénible, et puis qu’à son époque, on ne choisissait pas d'en avoir ! (pourtant la tendresse, l’affection, la patience, le réconfort, les câlins ça se donne naturellement, en tous lieux et de tous temps...Mamie,… se disait Nad, en son for intérieur, comme une biche sait le faire par nature pour son petit faon).
Bref, dès qu’ils avaient l’âge de dire non, Mamie ne les aimait plus très bien, les enfants.
Nad a essayé longtemps d’apprivoiser sa mère. Elle a souvent désespéré, elle y a presque cru parfois. Elle aurait tant aimé remplacer cet être imprévisible, malade d’égocentrisme, éternellement insatisfaite et plaintive en famille (mais si exubérante parfois en dehors, qu’elles en avait eu presque honte, ses filles), par une mère et grand-mère affectueuse et tendre, heureuse de vivre. Mamie a toujours fait semblant, elle ne connaissait pas le geste gratuit, quand elle jouait les grandes âmes, c’était toujours calculé, et en attente du retour.(Ne l’oubliez surtout pas, le retour, sinon elle se charge de vous le rappeler). Chaque geste de prétendue générosité avait pour but de s’accorder de futures faveurs.
Nad ne voit plus beaucoup Mamie, elle a essayé de lui expliquer pourquoi. Mais cela n'a servi à rien. Mamie a raison, elle est tellement convaincue d’avoir
raison, et d’avoir toujours eu raison. Mamie s’est enfermée dans son personnage de martyre, et même  quand elle se laissait aller à quelques moments de ce qui aurait dû être les petits bonheurs, elle trouvait toujours le moyen de les gâcher par une de ses crises de « cafard », comme elle disait. Mamie se plaisait dans son cafard, et Mamie pleurait toujours au moment où tout le monde se réjouissait, comme pour ternir toutes les fêtes !
Mamie a vécu « malheureuse » ; elle a, durant toute sa vie, raconté ses malheurs, tous ses malheurs ; elle était sur terre pour porter sa croix, disait-elle. Un proverbe breton dit qu’il vaut mieux la porter que la traîner, je crois qu’elle la traînait…
Nad aurait voulu lui dire qu’elle connaissait bien des gens dans son entourage qui aurait volontiers échangé leur croix contre la sienne, mais elle n’osait pas la priver de cette délectation d’être une élue du Bon Dieu..
Mamie se régalait quand le malheur était là, elle accourait, prenait de grands airs d'apitoiement et n’oubliait pas de faire savoir combien elle avait partagé votre peine, surtout si ça ne lui coûtait que quelques larmes et un peu de son temps. Parce qu’il ne fallait pas que cela devienne trop embarrassant, Mamie se lassait vite ! Et puis il ne fallait pas qu’un malheur puisse dépasser le sien, elle qui souffrait tant sur terre.
Mamie avait connu tous les chagrins, toutes les maladies, tous les deuils, Mamie était un vrai deuil de vie.
Mamie, malheureusement, a fait peser lourdement son fardeau sur d’autres épaules, fragiles ,  sans s’en rendre compte peut-être, ou sans vouloir se l’avouer. Mais elle a fait des dégâts ainsi, elle est tellement persuasive !
A l’instar de l’araignée qui endort sa proie, toute personne qui se prend dans ses fils ne peut s’en sortir qu’après bien des détours et parfois une véritable lutte .
Certains restent pris au piège. Mamie est un maître chanteur du coeur, une prison, et il ne fait pas bon vouloir lui échapper, elle n’est pas tendre...alors !

Pourtant, aujourd'hui, Nad ne lui en veut plus. Nad croit que sa mère est passée à côté du chemin, qu'elle a refusé de sortir de l'obscurité…

Nad sait que Mamie aurait dû se faire soigner, depuis longtemps, mais elle se dit qu’il est sûrement trop tard.

Nad lui a échappé désormais, et elle sait bien que Mamie ne comprendra jamais pourquoi le Bon Dieu lui a donné une fille aussi dure, aussi méchante, aussi ingrate !

Impossible à expliquer, c’est trop tard, c'est si dur.

Beaucoup de regrets, beaucoup de regrets...

Publicité
Commentaires
les histoires de géraldine
Publicité
Publicité