automne 1993...Laura

vous pourrez retrouver le début de ce long récit sur le message posté le 29/05/2005  : "écrire pour témoigner"

AUTOMNE 1993

LAURA VINT Y POSER SES VALISES…

Aux alentours de vingt-deux heures, un soir d’Octobre, Nad a décroché le téléphone. C’était Laura, l’unique nièce issue de son premier mariage et seule relation durable, qui l’appelait. Jamais elles ne s'étaient perdues de vue. De longs mois sans nouvelles s'écoulaient parfois, mais Laura et Nad avaient toujours su garder le contact.

Ce soir-là, c’était une sorte d’appel au secours : « Je peux venir m’installer chez toi ? Tu sais,  je rentre en France pour quelques semaines de congés, et il n’y a plus d’autre  maison où je me sente vraiment aussi bien ! » La voix de Laura ne trompait pas …..

Laura a alors vingt-deux ans. Elle a connu les déboires du divorce,  en forme de guerre, de ses parents, et l'omni-présence de ses grands parents maternels dans son enfance bien difficile !

Aujourd’hui, elle se retrouve dans le vide, ne sachant plus sur quelle branche se poser. Elle a besoin de comprendre ce qui lui est arrivé, de voir ses cousins, et de faire le point.

Laura a été élevée par ses grands-parents plus que par sa mère, dans la destruction en règle de l’image de son père. Lui, on l’avait vite rangé au placard des affreux, après l’avoir soigneusement dépouillé et réduit à néant.

Laura avait bien essayé de le revoir de temps en temps, mais il avait reconstruit sa vie, et ils ne se comprenaient plus, tous les deux. Tant de haine avait été engrangée, tant de mensonges proférés, que c’était très difficile pour l’un comme pour l’autre.

Laura, très tôt, a quitté sa mère, pour rouler sa bosse bien jeune, faisant des tas d’expériences enrichissantes comme cette longue période au service des handicapés de sa ville ou cette autre, plus tard, dans les rues de Calcutta, près d’un médecin des rues. Puis elle s’est installée en Suisse où elle a trouvé, en attendant mieux, une place de serveuse dans un restaurant. Laura rêve de pouvoir reprendre des études, une formation, afin de faire ses preuves dans le milieu hospitalier ou dans une organisation humanitaire.

Lorsque Laura débarque à Ar Bod, Nad comprend rapidement ce dont elle a besoin : parler et aller à la recherche de certaines vérités. On lui a caché beaucoup de choses, autrefois, et l’image qu’on lui a donnée de son père est en partie fausse, sans doute ! Maintenant , il lui manque. Et puis Laura a besoin de se libérer, de raconter quelle piètre enfance elle a vécue : les coups, les brimades, ses fugues, tout ce qui l’a forgée. Des masques tombaient...

Pendant des heures, au fil des soirées, Laura, Nad et « les grands » ont évoqué le passé. On allait du rire aux larmes, des souvenirs de farces de jeunes gamins à l’amertume de n’avoir pas pu choisir toujours sa route.

Cette tranche de vie échappait totalement à Yann. Il découvrait ainsi, avec intérêt, un versant du passé de Nad et de ses grands fils, épisode qui lui était inconnu.

Laura, elle, avait beaucoup de blessures à guérir.