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les histoires de géraldine
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14 février 2006

hiver 1998 ...suite

vous pourrez retrouver le début de ce long récit sur le message posté le 29/05/2005  : "écrire pour témoigner"

Plus je sombre, ici, dans une lente mélancolie, plus je me raccroche pourtant à ces feuillets délicatement parfumés en provenance de Bretagne, à ces lignes qui m'exhortent à l'effort et au dépassement, …et plus je me sens dans l'incapacité de réagir. Je me contente d'en glisser un exemplaire choisi, soigneusement plié, dans mon porte-feuille et de le relire inlassablement.

Ma nouvelle fonction ne me déplait pas, au contraire. J'ai gravi des échelons et, certes, mes revenus s'en trouvent nettement améliorés. Ceci me permet d'apporter un peu d'aide à ma chère mère, dont la vieillesse s'annonce difficile : elle ne dispose que de maigres ressources, et sa santé est très fragile. Elle est usée. Je pense souvent à elle…

Ma mère n'a jamais reconstruit sa vie , depuis le décès de mon père. Elle a consacré, après cette disparition, toute son énergie à sauver la face, et envoyer mes sœurs à l'école.(  Il fallait, sans doute était-ce là son but inavoué, qu'elles aient des armes pour espérer  meilleure vie que la sienne.)
Jamais ma mère n'a prononcé un mot qui puisse s'apparenter à l'ombre d'une plainte, jamais plus elle n'a parlé de « son Miguel ». Mais je sais qu'elle le pleurait en cachette, souvent. Cela non plus, je ne l'ai pas toujours compris….

Ici, dans mon nouvel univers, je ne me suis fait que très peu de relations, et toutes liées au travail.
Je ne connaissais personne, au préalable, dans cette région et je  n'éprouve pas le moindre désir de modifier cette situation. N'ayant aucune envie de parler de moi,  les rares invitations que je fais ou auxquelles je réponds prennent, par la force des choses, des allures de simples civilités. Ceci me convient parfaitement car,  ainsi , je me retrouve presque toujours seul dans ce qui n'est autre chose qu'une tanière. Je me régale de cette retraite du monde, et je m'y sens à l'abri. Mais à l'abri de quoi ou plutôt de qui ?
Nad me manque, et je ne veux pas me l'avouer. Elle me manque terriblement, plus que ma famille, tout simplement parce que je n'ai jamais parlé de moi, de ma vie, de mon cœur, avec quiconque comme j'ai su le faire avec elle.
Ma famille avait-elle existé en tant que telle, avant cette séparation ? (Que représente-t-elle, même aujourd'hui, vue de mon exil ?)
Nous nous aimions sans savoir rien les uns des autres ou presque, par habitude j'allais dire. Mes sœurs s'étaient installées tour à tour dans des vies simples et ordinaires, et nous nous donnions régulièrement des nouvelles sans grande importance.Tout ce que la vie peut receler de petits riens qui font le quotidien servait de trame à nos conversations et rien de singulier ne dérangeait le paysage de nos existences respectives. Cela rassurait tout le monde, c'était bien ainsi. Parfois, nous nous retrouvions pour partager de bons moments, échanger des souvenirs qui nous rappelaient que nous avions une histoire, ensemble. Mais les réunions de famille n'éveillaient guère d'émotions en moi. Je savais mes deux sœurs plus unies entre elles ; j'y voyais là toutes sortes de bonnes raisons, faciles à évoquer : J'étais célibataire, je les avais quittées très jeune, je n'avais pas d'enfant, nos préoccupations étaient donc bien différentes. Jamais je ne m'étais posé la question autrement.
Dans ma tanière, je trouve pourtant le temps long, souvent. Alors, en silence, je pars pour d'étranges voyages.

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